Michel Deslandes

Michel Deslandes juste pour rire...

Nom :
Lieu : Saint jean d'Angély, Charente Maritime, France

mercredi, janvier 18, 2006

les légendes de la boutonne




Légendes de la boutonne
part 1



Si vous avez eu la chance d’habiter, ou que vous avez passé des vacances aux bords d’une rivière étant enfant, alors vous avez forcement entendu parler d’elle. On vous a dit : « ne t’approche pas de l’eau ou la vieille va venir pour t’emporter »Depuis ce jour et pour quelques années vous n’avez plus regardé les ruisseaux avec le même œil. Le temps a passé et jusqu'à aujourd’hui , vous aviez oublié la vieille de la rivière .
Et pourtant…

Ce jour la, il faisait encore plus froid que la veille. Petit jean se disait qu’il allait devoir relever ses cordelles malgré la glace qui commençait à prendre l’eau de la rivière. Il sortit donc discrètement de la maison par la porte de derrière en la soulevant doucement pour éviter qu’elle ne grince. Sa mère n’aurait pas aimé le savoir au bord de l’eau par un temps pareil. La porte franchie, il fallait traverser le grand pré gelé. Les herbes craquaient sous ses pas, les fines branches des arbres étaient enveloppées d’une gangue de glace qui menaçait de les rompre à tout moment. Il était seul sur le chemin qui mène à la rivière. Un chemin qu’il avait déjà parcouru des centaines de fois malgré son jeune age.

Quand il était petit avec son grand père, il s’était pris de passion pour la pêche. Chaque fois que le vieux rassemblait son matériel, petit jean était prêt. Lequel des deux étaient le plus heureux ? Toujours est-il que régulièrement, on les voyait descendre tous les deux le chemin qui menait à la rivière. Là, une fois les cannes installées le grand père transmettait sans se presser, les milles secrets que son grand père lui même lui avait confiés.
Il lui avait raconté qu’un jour, il avait vu la vieille de la rivière.
Pendant qu’il dormait au bord de l’eau, laissant ses cannes sans surveillance, elle était sortie et lui avait volé sa montre à gousset. Il l’avait aperçu en ouvrant un œil au moment ou elle retournait dans l’eau dans un éclat de rire et une gerbe d’eau. Personne n’avait jamais cru à son histoire et chacun pensait qu’il avait laissé tomber sa montre dans l’eau en se penchant pour mettre à l’épuisette un quelconque poisson. Ou bien que, fatigué par son grand age et usé par les p’tites gouttes entre copains , il perdait le sens des réalités.

Aujourd’hui, petit jean était seul. Le temps avait fait son œuvre , mais il se souvenait comme si c’était hier de la voix grave de son grand père le mettant en garde contre la vieille de la rivière quand par imprudence, il se penchait trop au dessus de l’eau pour regarder dormir un brochet ou qu’il cherchait dans les trous de la berge le repère de la truite.

« Mon Jean » disait-il « ne te penche pas ou la vieille va te saisir par un bras ou un pied pour t’entraîner au fond des eaux. »
Il n’avait jamais vraiment eu peur, juste un peu de méfiance, mais aujourd’hui encore lorsque pour saisir la truite ou la carpe prisent à sa ligne il se penchait au dessus de l’eau il lui semblait encore entendre cette voix qu’il aimait tant. « Ne te penche pas ou la vieille va t’emporter ».

Encore un virage et il serait sur les rives de la boutonne : sa rivière. Tout doucement, en s’approchant du lit du cours d’eau, il se rendait compte que ce matin, quelque chose n’était pas comme à l’habitude. Avant de la voir, il devait l’entendre. Ou plutôt, il devrait entendre l’eau jaillir derrière le barrage des écluses…
Mis à part au plus chaud de l’été, quand le débit de la rivière est à son minimum, toujours, toujours en arrivant dans le dernier virage, il entend l’eau de l’écluse. Ce matin , rien aucun bruit comme si l’eau avait cessé de couler.
Au premier coup d’œil, il comprit. Durant les trois derniers jours ou il n’avait pu rendre visite à sa rivière, l’eau en avait profité pour geler. Gelée comme jamais il n’avait vu, gelée comme jamais il n’avait entendu parler. (Tout le monde dans la région se souvient de cette hiver 56).
Notre jean n’en revenait pas. La surface de l’eau s’était transformée en un miroir dur comme de la pierre. Les herbes de la berge semblait être prises dans du cristal. La chute d’eau de l’écluse était figée comme dans une photographie. L’eau était morte, plus une trace de vie en surface. C’est alors que jean eu une idée. Pourquoi ne pas profiter de la rigidité de la surface pour pouvoir enfin pêcher toute les zones inaccessibles en temps normal. Enfin pouvoir pêcher la fosse du grand virage que depuis toujours il soupçonnait d’être le repère des grands brochets.
Vite , il retourne à la maison s’empare d’une barre de fer qui traîne dans la grange, court dans le garage et sort de sa réserve de matériel une bobine de gros fil, une boite d’hameçons triples quelques plombs, enfin, le nécessaire pour aller traquer les grands brochets de la fosse.
A peine quelques minutes après en avoir eu l’idée, le voilà qui pour la première fois de sa vie pose le pied sur la surface de la rivière. La glace tient bon, un, deux pas et le voilà au milieu. Situation grisante, que de voir ses coins de pêche favoris sous cet angle.
Bien sur, il est interdit de pêcher sous la glace dans nos région, mais qui viendrait aujourd’hui en cet endroit reculé pour savoir si petit jean était à la pêche ?
Non, il n’y avait personne des lieux à la ronde , rien que lui, la rivière, le silence et les brochets de la fosse. Il creusa un trou dans la glace, juste à l’aplomb de la grande fosse. Le trou terminé lui sembla bien petit au regard des brochets qu’il espérait y faire passer. Alors, il l’agrandit, l’agrandit jusqu’à obtenir un trou ou lui même aurait pu disparaître. Il était content de voir sa rivière vivante sous ce miroir rigide.
La ligne fut vite prête, le fil, un plomb, un hameçon triple sur lequel il avait fixé un morceau de gras de jambon auquel il avait donné la forme d’un poissonnet. (Ne lui dite surtout pas que je vous ai donné sa recette pour la pêche du gros brochet, il serait fâché). Il laissa filer quelques mètres de fil et commença par de brèves secousses à donner un semblant de vie au gras de jambon.
La touche ne se fit pas attendre, le fil se tendit d’un coup presque à lui arracher la bobine des mains et puis un poids, un poids énorme. Centimètre par centimètre, à la limite de la rupture il remontait sa ligne. La défense de ce brochet l’étonnait , au lieu de donner de violent coups de queue, il n’opposait comme défense que son poids .Arc bouté sur le fil à la limite de la rupture, il sentait le poids énorme du poisson sans doute paralysé par le froid.
Encore quelques centimètres et il vit à la limite de l’eau apparaître une main. De frayeur il lâcha le fil, mais avec une rapidité surprenante, la main s’accrocha au bord de glace. Petit jean aurait sans doute aimé courir, mais ses jambes refusaient de lui obéir. Devant ses yeux dilatés par la peur il vit sortir de son trou d’abord un bras, puis une épaule avant d’entendre une voix lui dire : « Maudit qu’elle est froide ! Aide moi donc , mon gars au lieu de rester la les bras ballants. Tire moi donc de la ».
En surmontant sa peur, petit jean prit la main et tira de toutes ses forces jusqu’au moment ou il put voir devant lui, une vieille femme trempée jusqu’aux os . La vieille le regarda et comme semblant le connaître depuis toujours lui demanda d’allumer un feu. « Un bon feu comme tu sais les faire les matins d’hiver quand tu viens pêcher le brochet »Ajouta t elle l’air malicieux.
« Tu s’rais-t-y pas le p’tit fils d’Anatole mon gars ? »lui demanda la vieille . « T’étais haut comme trois pommes à genoux que t’arpentais les bords de rivière en cavalant derrière ton grand père, Pas vrai ? »
Tout en faisant le feu petit jean surveillait la vieille du coin de l’œil. Sait-on jamais de quoi une engeance pareille peut etre capable ?Quand le feu fut fait, la vieille se rapprocha pour se sécher. Plus elle se rapprochait du feu plus l’eau de ses vetements s’évaporait en dégageant une vapeur de plus en plus dense. On aurait cru voir le brouillard de septembre s’etendre sur le marais.Petit jean ne distinguait plus vraiment la vieille noyée dans son propre brouillard , mais il entendit clairement sa voix quand elle lui demanda s’il avait quelque nourriture dans son sac.
Rien , le sac ne contenait que du fil des hameçons et …et un bout de couenne de porc pour la peche du brochet. La main de la vieille traversant le brouillard s’empara de ce morceau de gras que petit jean allait remettre dans sa besace.
« T’inquiète pas mon drole, j’en ai mangé des plus dur… » .
Quelque secondes plus tard l’odeur de la viande qui grillait chatouillait les narine de petit jean. Tout en mangeant , la vieille lui racontait comment elle avait connu le grand pèrer de petit jean quand il était enfant et que comme lui, il arpentait les bords de la rivière. Comment elle avait connu le grand père de son grand père qui lui aussi était un pecheur d’anguilles et de brochets.Il ne la voyait plus du tout elle etait noyèe dans le brouillard mais elle lui racontait sa famille, la rivière comme si elle même en faisait partie depuis la nuit ds temps.
Cependant une question occupait la tete de petit jean : « Avait-elle dérobée la montre de son grand-père ? »
Quand après un long moment de reflexion le gamin se décida enfin à poser la question, aucune réponse ne vint.Seule le coton du brouillard lui répondait.Il lui sembla bien entendre un faible merci venat de la rive avant que le brouillard ne commence à se dissiper.
Après quelque minutes le soleil d’hiver était revenu mais à coté du feu, il n’y avait plus rien, plus personne.ET s’est en se levant pour regarder de plus près la glace de la rivière qu’à la place qu’occupait la vieille une minute plus tôt, il vit dans l’herbe gelèe briller un objet .
Elle était posée la comme neuve dans un écrin de glace. La prenant avec précaution petit jean fit basculer le mecanisme d’ouverture et à l’intérieur, il put lire comme juste gravée :
Anatole.

Si par hasard paisible promeneur du bord de Boutonne vous rencontrez au détour du chemin un pecheur qui surveille son bouchon , avant de le déranger par un célèbre « Alors ça mord ? », assurez-vous que sa montre est bien dans sa poche, et ne détournez pas son attention, la vieille pourrait en profiter.


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